Écrire pour un théâtre de papier — Chantal Dupuy-Dunier / Writing for a Theatre of Paper — French Poet Chantal Dupuy-Dunier
Chantal Dupuy-Dunier, poétesse française, est née en 1949 en Arles.
Elle a travaillé comme psychologue dans un hôpital psychiatrique de Clermont-Ferrand au centre de la France. Elle a animé pendant onze ans un atelier d’écriture et de lectures poétiques. Elle intervient régulièrement dans les établissements scolaires et donne des spectacles de poésie, accompagnée par des musiciens.
Pendant dix ans, elle a vécu, retirée avec son mari, écrivain comme elle, à Cronce, minuscule village d’Auvergne, loin de tout, un véritable face-à-face avec l’écriture. En décembre 2010, elle a été invitée à la Fête internationale du livre de Saint-Louis du Sénégal et en mars 2011, à la première édition du « Printemps des poètes » organisée sur l’île de Mayotte. Elle a été récemment invitée au Salon du Livre de Beyrouth. Elle vit actuellement à Clermont-Ferrand.
Les thèmes centraux de sa poésie évoquent la vie, la mort et les questions existentielles qui leur sont attachées : le temps, l’espace, leur relativité. Celui de l’eau, avec les « Sorgues », nom donné aux sources résurgentes dans son Midi natal, est une métaphore du langage poétique agissant sous la langue ordinaire. « Tout fait signe » pour elle, des initiales, des inscriptions sur un mur, les lignes de la main, un calendrier, le nom d’un lieu … Tout est une écriture potentielle.
Elle a publié une vingtaine de livres et d’ouvrages d’art, dont Initiales (Voix d’encre, 1999 ; Prix Artaud 2000), Des ailes (Voix d’encre, 2004), Creusement de Cronce (Voix d’encre, 2007), Où qu’on va après ? (Cadex / l’Idée Bleue, 2008), Éphéméride (Flammarion, 2009, réédité en 2010), Saorge, dans la cellule du poème (Voix d’encre, 2009), Celle (L’Arbre à paroles, 2012), Il faut laisser la porte ouverte (Éditions Henry, 2012) et Mille grues de papier (Flammarion, à paraître en 2013).
Quand j’ai pris la décision de traduire votre poésie, j’ai consulté des anthologies de poésie française pour tenter de déterminer votre « lignée poétique ». Quels poètes — français ou autres — vous ont inspirée ? Si vous aviez une « famille poétique » formée uniquement de poètes, qui composeraient les membres différents de cette famille (mères, pères, grand-parents, frères, sœurs) ? Lorsque j’ai commencé à écrire, j’ai surtout été inspirée par des poètes français car je connaissais peu les auteurs étrangers, seulement quelques francophones (belges, québécois, sénégalais…) C’est plus récemment que j’ai lu des poètes orientaux, puis des poètes anglo-saxons et américains. J’ai découvert ces derniers grâce à Yves di Manno, qui dirige la collection poésie des éditions Flammarion. Il est traducteur de nombreux poètes américains, notamment dans son livre Objets d’Amérique et dans l’anthologie de Jérôme Rothenberg, Les techniciens du sacré, deux ouvrages publiés chez José Corti. Le deuxième est un ensemble de textes de toutes provenances géographiques et temporelles, qui m’a fait connaître beaucoup de poètes. Ma « famille poétique » a été une famille très « classique » qui s’est constituée autour de moi à l’école primaire puis au lycée et à la faculté. Elle a été agrandie par des lectures plus récentes. Un de mes aïeuls pourrait être La Fontaine. Le père incontesté est Baudelaire, la mère (mes parents ont un décalage générationnel) serait la contemporaine Gabrielle Althen. La fratrie est très nombreuse, de tous âges également : Alfred de Musset, Victor Hugo, Leconte de Lisle, Pierre Reverdy, Louis Aragon, Jean Genet, René Daumal, Roger Gilbert-Lecomte, Bernard Noël, Yves Namur, Florence Pazzotu, Ariane Dreyfus… Comme vous le savez, notre projet, en collaboration avec Robyn Newkumet, a été de traduire votre recueil, Éphéméride. Comment diffère-t-il de vos autres publications ? Comment avez-vous procédé pour Éphéméride ? Avez-vous vraiment écrit un poème chaque jour pendant un an ? Il y a entre Éphéméride et mes précédents recueils la même différence qu’entre un marathon et une course de 100 mètres. Dans ce livre, je suis passée à une écriture au long cours nécessitant un autre rythme, une respiration plus ample. Je me suis donné pour tâche d’écrire un poème par jour et m’y suis tenue. Chaque soir, je m’endormais en me disant : « Quel sera le poème qui viendra demain ? Qu’est-ce qui me fera signe ? » Parfois j’étais inspirée pour plusieurs jours, mais, d’autres fois, j’étais angoissée à l’idée de ne rien trouver le lendemain, de ne pas pouvoir terminer la course. Lorsque les 366 textes ont été écrits, je les ai revus (je les relisais d’ailleurs régulièrement en les améliorant) et j’ai retravaillé l’ensemble pendant environ une autre année. Quand mon travail a été terminé, au lieu de me sentir libérée de mon angoisse, je me suis retrouvée « en manque » et je me suis lancée très vite dans l’écriture d’un autre gros ouvrage. Ces poèmes ont-ils un ou plusieurs liens ? Oui, ils sont reliés par des fils conducteurs en rapport avec le temps, temps quotidien vécu ou temps de la mémoire avec des retours en arrière et l’évocation de mes grands-mères qui vivaient dans des lieux très différents, celle des villes et celle des champs, temps spécifique du poème, temps codifié, temps relatif… |
Beaucoup de vos poèmes dans Éphéméride semblent illustrer l’« ars poetica », des poèmes dans lesquels vous explorez ce que cela signifie d’être poète, d’écrire de la poésie dans notre monde moderne, toujours éphémère. Était-ce votre intention lors de l’écriture ?
C’était effectivement l’une de mes intentions, mais j’ai toujours eu cette préoccupation, dans tous mes recueils comme dans Éphéméride. Ces interrogations sur l’écriture et la place du poète surtout, comme vous le soulignez, « dans notre monde moderne », sont permanentes pour la poétesse que je suis. Elles sont à mes yeux indissociables de l’acte d’écrire.
J’ai profondément, presque viscéralement, conscience que mes écrits sont éphémères. Un jour, il n’en restera rien. La langue se sera encore transformée.
J’aime aussi que vous utilisiez le mot « éphémère » dans votre question car il est sous-jacent dans Éphéméride. J’ai profondément, presque viscéralement, conscience que mes écrits sont éphémères. Un jour, il n’en restera rien. La langue se sera encore transformée. Si mes poèmes étaient toujours présents dans 400 ans, on ne les comprendrait même plus. D’ailleurs, un jour la civilisation à laquelle nous appartenons disparaîtra comme toutes les autres ont disparu. Avoir la vision de cela m’aide à relativiser bien des choses. L’accepter n’est pas désespérant, au contraire, cela confère de la grandeur à l’acte éphémère de vivre et d’écrire. Cela lui donne un sens au sein du non-sens.
Ce qui compte, ce sont les traces laissées par les civilisations disparues, fondations des civilisations futures. Ce qui compte, ce sont les nouveaux poètes qui adviendront, qui auront lu quelques anciens, ainsi de suite… La pyramide collective de la Poésie.
En écrivant sur la violence et la guerre, vous avez souvent abordé le sujet d’un point de vue ironique, des fois sarcastique : « L’arc de triomphe » de votre chaise dans « 14 juillet » ; les deux garçons qui jouent avec des épées dans « 7 août ». Dans « 6 août », l’anniversaire du bombardement d’Hiroshima, vous notez : « Je continue à écrire, / pour un théâtre de papier. » De quoi s’agit-il ce « théâtre de papier » ? Comment est-il lié à l’importance de l’écriture sur la violence humaine et la guerre ?
Je trouve cette question très pertinente et originale. Vous avez tout à fait raison. Lorsque j’écris sur la guerre, j’essaye d’adopter une écriture aussi violente que le sujet. Les mots peuvent être tranchants, acérés…
L’ironie est une forme d’humour extrême, qui comporte aussi une certaine violence (on parle d’une « ironie mordante », ce n’est pas pour rien). Il s’agit d’une arme. Pour moi, face aux grands drames de l’existence, collectifs comme les guerres ou individuels comme la mort, l’ironie est la seule façon de ne pas sombrer dans le désespoir. Désespoir devant mon impuissance à empêcher les guerres. J’ai beau être pacifiste dans l’âme, je sais que les conflits armés continueront car la nature humaine demeure ce qu’elle est et que de trop puissants intérêts priment sur les sentiments humanistes.
Chaque jour de ma vie, j’exerce ce droit qui reste à l’homme jeté dans la terrible aventure de vivre : rire. Je pratique volontiers un humour noir, british, décalé.
Quel est ce théâtre de papier dont je parle ? Le théâtre de papier est une forme théâtrale existante. Créé en Angleterre au XIXe siècle, ce théâtre miniaturisé tient sur une table et ses décors, personnages, sont en carton ou en papier. C’est aussi sur une scène de papier que se joue l’écriture. Le papier semble un matériau fragile, cependant il est le support de l’écrit, même si les poèmes ne suffisent pas à changer le monde comme je le croyais quand j’étais adolescente.
Vous considérez-vous « féministe » ?
Féministe ? Davantage « humaniste ». Je ne suis pas féministe comme certaines extrémistes parties en guerre contre les hommes à une époque où il était nécessaire chez nous de faire valoir nos droits. Mais je me sens féministe aux côtés des femmes de nombreux pays où des conditions de vie inadmissibles leur sont imposées, je me sens sœur de leurs luttes indispensables, vitales. L’idéal serait de pouvoir ne pas être féministes contre les hommes mais simplement pour les femmes, d’arriver à une réelle égalité de droits, qu’il n’y ait aucune discrimination… Il n’est pas interdit de rêver…
Votre écriture est-elle « féminine » ?
Sans hésiter, je ne peux avoir qu’une écriture féminine puisque j’écris avec tout mon corps, ma voix, mon sexe. Comment pourrais-je ne pas avoir une écriture de femme puisque j’écris avec mon sexe de femme ?
Beaucoup de vos poèmes ont une sensibilité photographique ou picturale ; avez-vous une formation dans les arts visuels ou plastiques ?
Cette question m’intéresse beaucoup, mais ma réponse va vous décevoir. Je prends des photos sans aucune compétence particulière et je dessine moins bien que la moyenne des gens. Je n’ai aucune formation dans les arts visuels ou plastiques. C’est mon œil qui fonctionne comme appareil photographique. J’ai un sens aiguisé de l’observation, j’engrange des images et en crée de nouvelles. Ces images peuvent aussi être auditives.
Comme l’art visuel, vos poèmes décrivent souvent l’éphémère de façon explicite alors que leur nature (dans une œuvre écrite) fait une marque quasi-permanente sur le temps. Cela a-t-il été un thème permanent dans votre vie ?
Vous êtes gentille de dire que mes poèmes « font une marque semi-permanente sur le temps ». Au départ, c’est là le rêve, l’ambition de tout créateur, écrivain, artiste. Comme je l’ai déjà exprimé, je ne me leurre pas.
« Utopie » signifie « Aucun lieu », selon moi pas au sens où ce lieu n’existerait pas. « Aucun lieu » est son nom, ce qui, paradoxalement, lui évite une désignation restrictive, lui confère l’espace le plus étendu qui soit, celui du mystère.
Cette angoisse à tenter de retenir le temps qui passe fait bien sûr partie de ma vie comme elle fait sans doute partie, plus ou moins, de la vie de tous les humains. J’ai une conscience très aiguë de la relativité du temps, de nos vies, de nos œuvres, de leur caractère éphémère.
Cette conscience m’est venue à l’âge de cinq ans lorsque mon premier chat est mort. Ce chat noir, au tempérament indépendant, s’appelait Bayard. Il était sans peur mais pas sans reproches. À l’époque, j’avais la chance d’habiter au milieu du vaste parc d’un château (dans les anciennes écuries). Le châtelain, patron de l’usine où travaillait mon père, possédait une volière. Bayard s’est introduit dans cette volière, a tué des colombes. Le garde du château l’a abattu d’un coup de fusil. Ce fut ma première rencontre avec la mort, de plus sous une forme violente, ma première découverte, brutale, de l’éphémère.
Dans le poème « 11 juin », vous parlez de l’utopie. Dans la mesure où elle s’applique à l’humanité ou à la poésie, pensez-vous que l’utopie soit un idéal impossible, mais nécessaire, ou est-ce quelque chose qui pourrait être réalisé dans une vie, ou, du moins, dans un poème ?
Dans ce poème du « 11 juin », je m’adresse à l’homme aimé, mon mari, écrivain, qui a écrit, entre autres ouvrages, un livre sur l’utopie. Ce mot revient souvent dans nos conversations. Mon mari voit l’utopie comme une illusion, mais aussi comme un aiguillon nécessaire à la vie, ce qui, dans votre question, correspond à la première proposition. Pour moi, l’utopie serait réalisable dans le poème, vous le suggérez avec une grande perspicacité et parce que c’est sans doute votre intuition de poétesse. Le poème lui-même est Utopie, cette île idéale (la figure de l’île est déjà fascinante en soi).
Thomas More, l’auteur de L’Utopie et créateur de ce mot écrivait : « En Utopie… où tout appartient à tous, personne ne peut manquer de rien. » On peut rêver qu’il ne s’agisse pas que des biens matériels, que chaque être humain puisse accéder au territoire du poème, que personne ne manque de poésie…
« Utopie » signifie « Aucun lieu », selon moi pas au sens où ce lieu n’existerait pas. « Aucun lieu » est son nom, ce qui, paradoxalement, lui évite une désignation restrictive, lui confère l’espace le plus étendu qui soit, celui du mystère. Dans « La Marche du milieu », j’avais déjà écrit ces vers : « Là où aller / S’appelle : / Aucun Lieu… »
Espérons que les poètes ne finiront pas aussi tristement que Thomas More, poète lui-même, qui fut décapité pour s’être opposé à Henry VIII, lequel avait la tolérance faible et la hache facile, et que le concept d’utopie continuera à être au moins un moteur pour l’humanité.
Une autre question, peut-être trop générale… Je me demandais si vous pourriez parler d’une évolution dans votre façon de concevoir et d’écrire la poésie depuis, disons, vingt ans ? Certains de vos poèmes dans Ephéméride se tournent vers l’acte même d’écrire tandis que d’autres semblent plus ancrés dans la matière et les événements du quotidien. Ces deux pôles forment-ils un constant pour vous ?
En vingt ans, mon approche de la poésie a, bien sûr, évolué. Elle a mûri en même temps que moi et bénéficié de lectures nouvelles. Comme je l’ai dit, dès le début, dans mes poèmes, je me suis tournée vers l’acte d’écrire lui-même. Mais comme il fait partie de mon quotidien, il n’y a pas de véritable opposition avec les autres thèmes.
J’ai traversé une période ésotérique pendant laquelle j’ai produit des textes hermétiques. Je ne faisais pas de l’hermétisme pour faire de l’hermétisme, mais pour « en passer par là » et ouvrir ensuite, avec ces clés, d’autres portes, vers autre chose.
« Autre chose » est venue avec la rencontre de mon mari, écrivain donc, littéraire, qui m’a dit : « Ce que tu écris est beau, mais je n’y comprends rien ! » Une sacrée remise en question, j’ai orienté mon écriture vers davantage de lisibilité.
« Autre chose » est également venue avec notre vie, pendant dix années, à Cronce, un lieu presque improbable, un village minuscule, perdu, une sorte d’île, d’Utopie justement. Notre maison était très isolée au milieu d’une nature sauvage. Je me suis attachée à un quotidien différent de celui que l’on connait dans une ville, plus proche des saisons, de la végétation, des animaux. Un quotidien fait de beaucoup d’écriture (nous disions que Cronce était notre « résidence d’auteurs », nous avions fort peu de sollicitations extérieures) et d’actes simples comme cueillir des baies, faire des confitures, mettre des bûches dans le poêle à bois. L’habitation était modeste, composée simplement du nécessaire. Nous étions à l’écart de la société de consommation et les choses qui échappaient à cette société de consommation n’en prenaient que plus d’importance.
Et vos projets actuels ? Quels sont les thèmes qui apparaissent dans votre écriture maintenant ?
J’ai traversé une période ésotérique pendant laquelle j’ai produit des textes hermétiques. Je ne faisais pas de l’hermétisme pour faire de l’hermétisme, mais pour « en passer par là » et ouvrir ensuite, avec ces clés, d’autres portes, vers autre chose.
L’année prochaine paraîtra chez Flammarion Mille grues de papier, un ouvrage aussi volumineux qu’Éphéméride. Il est construit autour de l’histoire de Sadako Sasaki et du thème de la mort. Thème récurent dans mes écrits, que j’ai traité sous toutes ses formes, même ironiquement et avec insolence dans Où qu’on va après ? (Editions Cadex / L’Idée bleue). Dans Celle, mon dernier recueil, je donne la parole à la mort. Elle devient le poète suprême puisque c’est elle qui a toujours le dernier mot.
J’ai commencé Ferroviaires dans lequel j’écris sur des voyages en train ordinaires afin de débusquer la poésie sous les choses jugées banales. J’ai beaucoup exploré des lieux fixes : Bonnieux, Cronce, Saorge… À présent, je souhaite déplacer le lieu du poème, aller « voir ailleurs s’il y est ».
J’ai entamé également l’écriture de Cathédrale, un édifice poétique bâti sur l’histoire supposée d’une cathédrale, métaphore de l’œuvre poétique collective.
Quelques autres brouillons attendent de se vinifier, de trouver forme ou de partir grossir ma poubelle.
French poet Chantal Dupuy-Dunier was born in 1949 in Arles.
She worked as a psychologist in a psychiatric hospital in Clermont-Ferrand, located in central France. For eleven years, she hosted a workshop in which participants wrote and read poetry. She regularly appears in schools and performs her poetry in theatres, accompanied by musicians.
For over a decade, Dupuy-Dunier led a secluded life with her husband — also a writer — in Cronce, a tiny and isolated village in Auvergne. It provided an intimate, up-close experience with writing. In December 2010, she was invited to the International Book Festival of Saint-Louis in Senegal, and in March 2011, she participated in the inaugural “Printemps des poètes” (“Spring of Poets”), held on the island of Mayotte. Most recently, she was invited in the fall of 2012 to participate in the Beirut Book Fair. She and her husband now live in Clermont-Ferrand.
The central themes of her poetry involve life, death, and the related existential issues: time, space, and their relativity. The theme of water, with the “Sorgues” — the name given to springs bubbling up in her native South — is a metaphor for poetic language, acting beneath the surface of ordinary language. For her, “tout fait signe” — everything signfies: initials, inscriptions on a wall, the lines of the hand, a calendar, the name of a place… Everything is a potential source of writing.
She has published twenty books and works of art, including Initiales [Initials] (Voix d’encre, 1999; Prix Artaud 2000), Des ailes [Wings] (Voix d’encre, 2004), Creusement de Cronce [Excavating Cronce] (Voix d’encre, 2007), Où qu’on va après ? [Where Are We Going Next?] (Cadex / L’Idée bleue, 2008), Éphéméride [Ephemeris] (Flammarion, 2009; reprinted in 2010), Saorge, dans la cellule du poème [Saorge, in the Cell of the Poem] (Voix d’encre, 2009), Celle [This] (L’Arbre à paroles, 2012), Il faut laisser la porte ouverte [Leave the Door Open] (Éditions Henry, 2012), Mille grues de papier [A Thousand Paper Cranes] (Flammarion, forthcoming in 2013).
When I first decided to translate your work, I read French poetry anthologies to try to figure out your “poetic lineage.” Who do you see as your poetic mothers, fathers, grandparents, and siblings? In other words, what writers — French or not — do you trace yourself to? When I started writing, I was especially inspired by French poets because I didn’t know foreign authors very well, and the ones I did know were mostly from Francophone regions (Belgium, Quebec, Senegal…). More recently I read Eastern poets, followed by Anglo-Saxon and American poets. I discovered the latter thanks to Yves di Manno, who directs the poetry series published by Flammarion. He translates numerous American poets, particularly in Objets d’Amérique [Objects of America] and in Jerome Rothenberg’s anthology Les techniciens du sacré [Technicians of the Sacred], both published by José Corti. The latter, a set of texts from virtually all geographical and temporal origins, introduced me to many poets I hadn’t previously read. My “poetic family tree” used to be a very “classic” family that I acquired in elementary school, high school, and college. It has been extended by my more recent readings. One of my ancestors could be La Fontaine. Baudelaire is my undisputed father, and my mother (my parents have a generational shift) would be contemporary poet Gabrielle Althen. My sibling group is very large and also spans many ages: Alfred de Musset, Victor Hugo, Leconte de Lisle, Pierre Reverdy, Louis Aragon, Jean Genet, René Daumal, Roger Gilbert-Lecomte, Bernard Noël, Yves Namur, Florence Pazzotu, Ariane Dreyfus… As you know, our project, in collaboration with Robyn Newkumet, is to translate your collection, Éphéméride. How does this book differ from your other work? Also, what was your writing process like for Éphéméride? Did you actually write a poem every day for a year? The difference between Éphéméride and my previous collections is the difference between a marathon and a 100-meter race. In this book, my writing project was long-term, requiring a different rhythm, deeper breaths. I gave myself the task of writing a poem a day, and I kept to it. Every night, I fell asleep, saying to myself, “What poem will come tomorrow? What will beckon to me?” Sometimes I was inspired for several days at a time, but other times, I was distressed by the thought that I’d find nothing the next day, that I’d not be able to finish the race. When the 366 poems were written, I looked back through them (I also would reread them, regularly revising and improving them), and I reworked the entire collection for about another year. When my work was done, instead of feeling relieved of my anxiety, I found myself missing it, and I very quickly threw myself into writing another long book. Do these poems have numerous links between them? Yes, they are linked by several strands related to time: daily chronological time or memory’s time, with flashbacks to my grandmothers who lived in very different places, in the city and in the countryside, and they are linked by the specified time of the poem, time as measured on a clock, relative time… |
Many of your poems in Éphéméride seem like “ars poetica,” poems in which you explore what it means to be a poet, to write a poem, in our modern, always ephemeral world. Was that your intention when writing the book?
It actually was one of my intentions, but it’s really always been one of my concerns in each of my collections, including Éphéméride. These questions about writing and the place of the poet, especially, as you point out, “in our modern world,” are permanent for the poet I am. For me, they are inseparable from the act of writing.
I’m deeply, almost viscerally, aware that my writings are ephemeral. One day, nothing will remain. The language will again be transformed.
I also love that you use the word “ephemeral” in your question because it underlies Éphéméride. I’m deeply, almost viscerally, aware that my writings are ephemeral. One day, nothing will remain. The language will again be transformed. If my poems were to still be around in 400 years, nobody would even be able to understand them. Moreover, one day the civilization to which we belong will disappear, just as all the others have disappeared. Having this perspective helps me a lot. The acceptance that comes from this understanding does not make me hopeless, however; it gives grandeur to the ephemeral act of living and writing. It gives it sense within the larger nonsense.
What counts are the traces left by vanished civilizations, which are the foundations of future civilizations. What counts are the new poets to come who will have read a few of the past poets, and from that… the collective pyramid of Poetry.
When writing about violence and war, you often approach the subject from a place of irony—almost sarcasm. “The Arc de triomphe” of your chair in “July 14,” your poem on the anniversary of Bastille Day. The two boys who play with swords in “August 7.” In “August 2,” the anniversary of the bombing of Hiroshima, you write, “I continue to write / for a theater of paper.” What is this theater of paper, and how does it relate to the importance of writing about human violence and war?
I find this question very relevant and original. You are quite right. When I write about war, I try to adopt a writing style as violent as the subject. Words can be sharp, scathing …
Irony is a form of extreme humor, which also includes some violence (we speak of an “ironie mordante” [“scathing irony”] for this reason). It is a weapon. For me, when facing the great tragedies of life — collective ones, such as war, or individual ones, such as death — irony is the only way not to sink into despair. Despair at my inability to prevent wars. No matter how deeply I’m a pacifist at heart, I know that armed conflicts continue because human nature remains what it is, and too-powerful interests prevail over humanistic sentiments.
Every day of my life, I exercise this right that rests with every person thrown into the terrible adventure of living: laughter. I willingly practice black humor that is somewhat British, quirky.
What is the “theater of paper” I speak of? The paper theater is a theatrical form that actually exists. Created in England in the nineteenth century, a miniature model of a theater sits on a table, and its sets and characters are made out of cardboard or paper. It is also on a paper stage that writing plays out. Paper seems a fragile material, but it supports the act and markings of writing — even if poems are not enough to change the world, as I thought when I was a teenager.
Do you consider yourself a feminist?
Feminist? More likely “humanist.” I’m not like some feminist extremists who went to war against men at a time when it was necessary for us to claim our rights. But I feel feminist alongside women in many countries where unacceptable living conditions are imposed on them; I feel I’m their sister in their indispensable and vital struggles. The ideal situation would be that we wouldn’t be feminists against men but simply for women, to achieve full legal equality, so that there would be no discrimination at all… It is not forbidden to dream…
Would you say your writing is “feminine”?
Without hesitation, my writing could not be anything but feminine, because I write with my body, my voice, my sex. How could I not write with a woman’s hand when I write with a woman’s sex?
Many of your poems have a photographic or painterly sensibility; do you have a background in visual or other arts?
This question certainly interests me, but my answer will disappoint you. I take pictures without any special skill, and I draw worse than the average person. I have no training in the visual or sculptural arts. It’s my eye that works like a camera. I have a keen sense of observation; I gather images and create new ones. These images can also be auditory.
Like visual art, your poems are often explicitly about what is ephemeral while by their nature making a semi-permanent mark on time. Has this been a perpetual theme in your life?
You are kind to say that my poems “make a semi-permanent mark on time.” Initially, this is the dream, the ambition of every creator, writer, artist. As I already mentioned, I have no illusions about this idea.
‘Utopia’ means ‘no place,’ but not, in my opinion, in the sense that this place would not exist. ‘No place’ is its name, which, paradoxically, avoids a restrictive designation and confers on it the largest possible space, that of mystery.
This anguish of trying to keep time from passing is of course part of my life as it is no doubt part, more or less, of the life of all humans. I have a very acute awareness of the relativity of time, our lives, and our works, and of their ephemeral nature.
This awareness came to me at the age of five when my first cat died. This black cat, who had an independent temperament, was called Bayard. He was fearless but not without blame. At the time, I was lucky to live in the midst of a vast park of a castle (in the former stables). The lord of the castle, who was the boss of the factory where my father worked, had an aviary. Bayard managed to get into the aviary, where he killed some doves. The castle guard shot and killed him. This was my first encounter with death, especially in its violent form — my first brutal discovery of the ephemeral.
In the poem, “June 11,” you speak of utopia. To the extent that it applies to humanity and poetry, do you think utopia is an impossible but necessary ideal, or is it something that could be realized in a lifetime, or at least in a poem?
In this poem for June 11, I address the man I love, my husband, a writer, who wrote, among other works, a book about utopia. This word comes up often in our conversations. My husband sees utopia as an illusion, but also as a necessary spur to life, which corresponds with the first proposal in your question. For me, utopia is achievable in a poem, as you suggest with a great insight that probably comes from your intuition as a poet. The poem itself is Utopia, the ideal island (the image of the island is already fascinating in itself).
Thomas More, author of Utopia and creator of the word, wrote: “In Utopia… where everything belongs to everyone, nobody lacks anything.” One can dream that this does not only refer to property, that every human being can have access to the territory of a poem, that no one has to do without poetry…
“Utopia” means “no place,” but not, in my opinion, in the sense that this place would not exist. “No place” is its name, which, paradoxically, avoids a restrictive designation and confers on it the largest possible space, that of mystery. In “La Marche du milieu,” I have already written these words: “Where to go / Is called: / No Place …”
Let’s hope our poets will not end as sadly as Thomas More, a poet himself, who was beheaded for opposing Henry VIII, who had a low tolerance and an easy axe, and that the concept of utopia continues to be at least one of humanity’s driving forces.
Another question, perhaps too general… I was wondering if you could talk about how your way of thinking about and writing poetry has evolved over the last, say, twenty years? Some of your poems in Éphéméride revolve around the act of writing, while others seem more rooted in matter and daily events. Are these two poles a constant for you?
In twenty years, my approach to poetry has changed, of course. It has matured along with me and benefited from new readings. As I said at the beginning, in my poems I have turned to the act of writing itself. But as writing is part of my daily life, it has no real opposition to the other themes I write about.
I went through an esoteric period during which I produced hermetic texts. I did not write hermetically solely for the sake of writing hermetically, but to “go through it” and then, using those keys, open other doors to something else.
“Autre chose” [“Another thing”] came from meeting my husband, a writer, and therefore a literary person, who told me, “What you write is beautiful, but I do not understand it!” That was quite a critique, so I reoriented my writing toward being more accessible.
“Autre chose” [“Another thing”] came equally out of our life, over ten years, in Cronce, an almost improbable place, a tiny village, in the middle of nowhere, a sort of true island of Utopia. Our house was very isolated, way out in the countryside. I was committed to a daily life different from that known in a city — one as close as possible to the seasons, vegetation, animals. A daily life filled with writing (we would say Cronce was our “writers’ residence,” as we had very little contact with the outside world) and simple actions like picking berries, making jam, putting logs in the woodstove. The house was modest, consisting simply of what was necessary. We were separated from consumer society, so the things that didn’t come from that consumer society took on all the more importance to us.
What are your current projects? What themes appear most often in your current writing these days?
I went through an esoteric period during which I produced hermetic texts. I did not write hermetically solely for the sake of writing hermetically, but to “go through it” and then, using those keys, open other doors to something else.
Next year Flammarion will publish Mille grues de papier [A Thousand Paper Cranes], a book as large as Éphéméride. It is built around the story of Sadako Sasaki and the theme of death. It’s a recurring theme in my writings that I have dealt with in all its forms, even ironically and insolently in Où qu’on va après ? [Where Are We Going Next?] (published by Cadex/L’Idée bleue). In Celle [This], my latest book, I give the floor to death. Death becomes the supreme poet because it is she who has the last word.
I also have started a collection called Ferroviaires [Railway], in which I write about ordinary train travel in order to flush out the poetry that one can find when considering apparently mundane things. I have explored many fixed locations in depth: Bonnieux, Cronce, Saorge… Now I want to displace the location — the center — of the poem, go see if it actually resides elsewhere.
I also have started writing Cathédrale [Cathedral], a poetic edifice built on the supposed history of a cathedral, a metaphor for the poetic collective.
Some other drafts are awaiting vinification, to either mature into something useful or fatten my trashcan.
Printed from Cerise Press: http://www.cerisepress.com
Permalink URL: https://www.cerisepress.com/04/12/writing-for-a-theatre-of-paper-french-poet-chantal-dupuy-dunier