Épreuve 2 / Ordeal 2
« Suspendez sur les murs de vos salons le fourreau de mon sabre
et les yeux de mon beau cheval
et faites de ma chemise le sujet de vos conversations. »
Saadi Youssef
Om Habiba est sortie la première. Sans voile.
Elle a couru vers la victime.
Elle n’a pas crié devant le cadavre ensanglanté.
Il a dit : ce vieillard inconstant
nous l’avons tué après quarante jours de siège
personne ne souhaitait le meurtre mais comment faire autrement
quand votre guide s’égare dans la nuit du mensonge
et des atermoiements
jamais
notre âme ne connaîtra la douceur du matin
ni la caresse d’un souvenir délicat
Ce n’est pas un regret
Elle s’est agenouillée pour recouvrir le corps
lacéré avec la chemise blanche et elle
a pleuré doucement. Comme en prière.
Nous l’avons observée en silence
Il a dit : nous avons cherché tous les moyens
de le faire revenir à une voie plus juste
mais il tergiversait
sans arrêt
Il a dit : on avait tellement attendu
et puis ça s’est passé sans que l’on s’en rende compte
sous nos yeux
peut-être ai-je moi-même porté
le coup fatal
Retour à l’exemple des pieux devanciers. Les caravanes circulaient en sécurité. La prière du vendredi était célébrée avec une ferveur en sécurité. Les conquêtes se poursuivaient dans l’excitation. C’était suffisant pour ne pas nous interroger davantage sur les arcanes de notre foi.
Elle dit : je ne sais plus distinguer ta présence
ton sourire dissipe à peine mes appréhensions
mon cœur est devenu un sentier plein de ronces
j’ai peur que le fil ne casse par ta maladresse
ou la mienne
Un semblant d’ordre régnait mais la confusion
s’installait dans notre dos. Quelqu’un agita
la chemise froissée pleine de taches rouges
devant une foule médusée il a
évoqué l’âge et les mérites du défunt
rappelé la légitimité du lignage
requis le prix du sang
La catastrophe était inévitable.
Elle disait : ne suis-je pas votre mère à tous
comment pourrais-je privilégier un seul clan
mes yeux pleins d’affliction vous couvent d’un même amour
je ne cherche pas à vous induire en erreur
je sais la révolte aujourd’hui salutaire
Il disait : c’est bien vous que j’ai choisi pour me venir en aide
pour vous j’entame un deuxième exil
mais l’effort exigé vous semble trop lourd
savez-vous au moins ce que c’est qu’une attache
le chemin que l’amant parcourt dans le désert
à chercher un regard de celle qui se dérobe
comme je plains vos cœurs sourds à ma sollicitude
J’ai seulement entendu une plainte :
Qui défendra Koufa quand les gens de Koufa
seront tous massacrés qui défendra Basra
lorsque ceux de Basra seront exterminés
et les guerriers d’Egypte que l’inquiétude ronge
qui leur rendra la paix pour ouvrir le Couchant
et ce qui reste d’Aides d’Exilés à Médine
de seigneurs du Yémen ou de Bahreïn après
la défaite du Chameau qui les réunira
Il disait : j’ai toujours tué ceux que j’aimais
j’avoue avoir joui avec férocité mais
aujourd’hui je m’en veux de ma précipitation
Je crois bien que j’ai raté mon coup la guerre est bien là et les prémices de la discorde consignés dans des ouvrages qui ont défié les censures à moins que ça ne soit une histoire à répétition celle de l’éternel retour des désirs inavouables
Il n’a pas su dire exactement ce qu’il avait en tête peur de se tromper de mots comme si la parole restait rivée au lexique en fait il ne savait pas vraiment comment accrocher ton attention pour t’entraîner dans les méandres d’une histoire qui le taraudait depuis longtemps l’empêchant d’accomplir son travail journalier et de dormir il a bredouillé je ne sais quel prétexte plausible mécontent de la tournure que prenait la conversation
Tu refusais d’expliquer la situation.
Tu éprouvais des difficultés à parler.
Tu t’abritais en haut de ta tour d’ivoire.
Tu n’entendais pas les rumeurs de discorde
et ne voyais rien venir de l’Est ni du Nord
…
Elle avait réuni les femmes de la maison
pour un repas d’adieu et des lamentations
mais quand la maison fut pleine elle ferma la porte
et courut se réfugier dans le débarras
elle ne voulait pas pleurer ni manger la viande
toute la nuit elle a gardé les yeux ouverts
Mon père adoré que Dieu le bénisse
lui me protégeait mon frère m’abandonne
c’est un renégat je n’ai pas de fils
pour me hisser haut le pan du manteau
ne m’abrite plus je suis orpheline
Des hommes ont entendu la complainte. Ils n’ont pas compris.
Ils sentaient une détresse leur engourdir les membres.
Ils ne savaient pas comment réagir.
Tous ont préféré ne rien dire.
Il disait : j’ai raison cette guerre m’est imposée
je suis le Lieutenant vous devez m’obéir
il n’y a jamais eu de chemise maculée
le perfide qui l’agite sous vos yeux vous trompe
rejoignez-moi faites cesser cette rumeur
je vous accorde ma clémence
je suis l’amant le meurtrier et la rançon
Il a pouffé puis s’est mis à rire de bon cœur.
Il s’était souvenu d’un vieux dicton.
Il se dit que le monde n’est pas à portée d’arc.
Ce que l’œil voit le cœur le décline sans raison.
Il suffit d’une inclinaison parfois et le regard porte.
Ça n’est donc pas si grave.
Loin du sanctuaire a-t-il dit mon âme s’effrite
je l’ai quitté autrefois sur ton injonction
maintenant j’ordonne à la troupe de me suivre
moi l’égaré dans le souvenir d’un amour
celui qui me blâme et incite à la discorde
n’a pas connu l’exil mais des affectations
à l’étranger des promotions de carrière
de quoi se pavaner sur les grandes artères
des capitales du monde faire ses courses le soir
et rentrer peu lui importe où il est chez lui
je rumine et ressasse en cherchant du secours
auprès de toi qui m’as ouvert le cœur sans me
faire traverser le pont suspendu avec toi
tout ce qui arrive est à bénir
je me soumets
j’aurais pourtant voulu un autre destin
Elle disait : tu passais tes journées à gémir
à sauter au plafond
tu n’es pas le seul être que le destin éprouve
ni le seul à bégayer dans l’obscurité
tous ces gens qui déclament la cendre dans la bouche
me sont insupportables
Il nous a raconté son histoire pour nous prévenir du danger que court l’émigré.
D’une femme persane, il a une fille. Elle avait grandi dans le giron de sa mère pendant qu’il combattait aux frontières.
La campagne terminée, il décida de venir rendre visite aux siens et de ramener sa fille avec lui ; lui faire sentir l’odeur du terroir.
Durant le trajet, elle lui demandait sans cesse s’il avait soif et il répondait non. Lorsqu’il arrivèrent à Médine, la fille s’effondra d’inanition. Elle était complètement déshydratée. On lui donna à boire et elle put respirer à nouveau. Lui, perplexe, l’interrogea. Pourquoi ne lui avait-elle pas demandé de l’eau pendant le voyage ?
« Mais père, je n’ai pas arrêté de le faire » dit-elle.
Notre langue est en train de se perdre nous dit l’homme. Sa grammaire n’est plus familière à nos enfants. D’autres sonorités encombrent leurs oreilles. Bientôt ils ne sauront plus articuler.
L’histoire nous a fait réfléchir.
Il disait : il ne faut pas craindre la distance
ni de se mélanger
nous allons tout inventorier et retranscrire
pour ne rien oublier
les poèmes qui circulent de traces en traces effacées
les bons mots de jadis plus tranchants qu’une lame
les sciences et la logique des Grecs et des Anciens
et nous traduirons le Livre en langues étrangères
nous inventerons des méthodes pour apprendre à
parler à ceux qui se sont soumis
nous ouvrirons la maison à qui veut entrer
partager avec nous
Elle a dit : la mer est une goutte d’eau
dans mon cœur désolé
j’enterre chaque jour
le soleil et la lune sans verser une larme
Qui défendra Koufa protégera Basra
les jeunes filles de Basra et les femmes de Koufa
les morts par milliers qui les ensevelira
les blessés les estropiés comment les soigner
et ce goût d’amertume me restera longtemps
il n’y aura plus que décombres là où des villes
célébraient ta louange
Elle disait : en effet je l’ai traîné longtemps
ce goût de cendre dans la mémoire
mais je n’ai pas pleuré
j’ai cherché des mots en tâtonnant
j’ai étudié les traités de rhétorique
j’ai consulté la formule qui me sert à décrire
et me libérer d’un poids
Tu ne peux plus continuer ainsi
d’invectives en remords
à t’aveugler
Elle a dit : cela suppose une capacité d’écoute
ce n’est pas grand-chose mais c’est beaucoup
je vois bien que chacun se barricade
les mots sont prononcés pour la forme
pour servir d’alibi
…
Il a dit : que de malentendus
je viens moi aussi avec la paix
la bannière que j’exhibe n’est pas un aiguillon
de haine mais une trace pour se remémorer
l’habit devant vous je ne l’ai pas inventé
procédons à un arbitrage
On me reproche l’ignorance criminelle de ma mère
les attaques conduites autrefois par mon père
mais Dieu ne tient pas compte des actions
non commises par nous-mêmes
je suis né comme vous à l’écoute d’une parole
elle chemine dans mon âme
il y a dans cette communauté des gens avisés
ils sauront trouver des vocables clairs
pour clamer nos cœurs et éteindre la discorde
Ils ont dit : c’est un piège pour te disqualifier
tu ne peux pas accepter
il y a eu trop de morts
et nous sommes dans un grand désarroi
ne disais-tu pas avoir raison
tu nous as suppliés de te suivre en Iraq
ce que nous avons fait
nous prenons ton parti mais ne nous déçois pas
pour toi nous sommes déjà morts
nous te donnons nos vies pour en faire un rempart
mais n’abandonne pas la succession
nous nous exilerons avec toi s’il le faut
mais n’entre pas dans leur jeu
leurs arguties vont te perdre
des poètes ils connaissent les techniques du langage
ils n’ont pas de parole
Sur les redans du ciel des compagnons
s’impatientent
quelle affliction
n’avons-nous pas été prévenus
que le retour serait difficile
mais notre cœur était voilé
Seigneur accorde-leur l’entrée accueille-les
dans ta miséricorde
Ils disaient : cette histoire ne nous concerne pas
s’il faut prendre parti pour chaque prétendant
mieux vaut nous abstenir
d’autres disaient : cette histoire nous prend de court
nous avons peur de choisir
Elle dit : l’obscurité me gêne
tu ne me laisses aucune place dans ton histoire
pour respirer à mon aise
ramasser quelques pierres dans le lit d’une rivière
et m’attarder à un détour pour capter un
écho
Trouverai-je la maison en ruine
aller l’interroger
tu fronces le sourcil sans répondre
occultation
il s’est agenouillé devant ses meurtriers
désarmé
elle a observé le massacre en silence
retenir le souffle
nous n’avions pas mesuré l’ampleur du désastre
la douleur n’était pas perceptible
vous n’avez aucun souci à vous faire dit-il
vous verrez
ils écarquillèrent les yeux sans prononcer un mot
les martyrs exècrent les hagiographies
Elles ont dit : les hommes ont horreur de nos menstrues
ils ont horreur du sang qu’ils ne font pas couler
…
Elles se sont partagé les aliments. Chacun a bu une gorgée de lait et mangé deux dattes puis s’est frotté les bras avec une troisième pour éviter les morsures du soleil. Elle se sont toutes massées sur le seuil de la maison pour assister à la levée du corps. Elles se sont réjouies en chœur. Leur clameur a couvert la désolation de l’après-midi.
Aix-Paris, août 1998-avril 1999
“Hang my saber’s scabbard on the walls of your sitting rooms
and the eyes of my beautiful horse
and turn my shirt into the subject of your conversations.”
Saadi Youssef
Om Habiba was the first to go outside. Without a veil.
She ran toward the victim.
She did not scream faced with the bloody corpse.
He said: this fickle old man
we killed him after a forty-day siege
nobody wanted murder but what else can you do
when your guide strays into the night of lies
and equivocations
never
will our soul know the sweetness of morning
nor the caress of delicate memory
She knelt down to cover the lacerated
body with the shirt and she wept
softly. As if in prayer.
We watched her
in silence
He said: we tried by all possible means
to bring him back to a more just way
but he remained evasive
kept squirming
He said: we had waited so long
and then it happened without us being aware of it
under our very eyes
maybe I myself dealt
the fatal blow
She said: I no longer know how to distinguish your presence
your smile barely dissolves my fears
my heart has become a path full of thorns
I’m afraid the thread will break because of your clumsiness
or because of mine
A semblance of order reigned but confusion
was settling in behind our backs. Someone brandished
the crumpled shirt full of red stains
before a dumbfounded crowd he
evoked the age and the merits of the dead one
recalled the legitimacy of the lineage
demanded the blood price
Catastrophe was inevitable.
She said: am I not the mother of you all
how could I privilege one single clan
my eyes overflowing with affliction gaze at you with the same love
I do not try to induce you in error
I know revolt today to be salutary
He said: it is you indeed whom I have chosen to come and help me
for you I start a second exile
but the needed effort seems too heavy to you
do you know at least what a tie is
the distance the lover covers in the desert
in search of one glance by the one who conceals herself
how I pity your hearts deaf to my solicitude
I only heard one complaint:
Who will defend Kufa when the people of Kufa
are all massacred who will defend Basra
when all those of Basra are exterminated
and the warriors of Egypt who are devoured by worries
who will give them peace to open the Occident
and what remains of aides and exiles in Medina
of lords from Yemen or from Bahrain after
the defeat of the Camel who will unite them
He said: I have always killed those I loved
I confess to have found a ferocious pleasure in it
But today my haste makes me angry at myself
I do believe I screwed up the war is here indeed and the premises of the discord are recorded in books that have defied the various censorships unless the story is a story of repetition namely the one of the eternal return of unavowable desires
He did not know how exactly to say what was on his mind fear of picking the wrong words as if speech remained stuck to the vocabulary in fact he didn’t really know how to catch and keep your attention and drag you into the meanders of a story that had anguished him for a long time keeping him from completing his daily tasks and from sleeping he stuttered I know not what plausible pretext discontent with the direction the conversation was taking
You refused to explain the situation.
You had difficulties talking.
You took shelter at the top of the ivory tower.
You didn’t hear the rumors of discord
and saw nothing coming from the East nor from the North
…
She had assembled the women of the household
for a good-bye dinner and lamentations
but when the house was full she closed the door
and ran to hide in the junk closet
she did not want to weep or eat the meat
all night long she kept her eyes open
My beloved father may God bless him
he protected me my brother is abandoning me
he is a renegade I have no son
to hoist me up high the tail of a coat
no longer shelters me I am an orphan
Men heard the complaint. They did not understand.
They felt distress slowly paralyzing their limbs.
They did not know how to react.
All preferred to remain silent.
He said: I’m right this war is forced on me
I am the Lieutenant you have to obey me
there has never been a stained shirt
the perfidious one brandishing it before your eyes is fooling you
come join me put an end to that rumor
I grant you my clemency
I am the lover the murderer and the ransom
He giggled and then burst out laughing.
He had remembered an old saying.
He told himself that the world was not within bowshot.
What the eye sees the heart declines without reason.
Sometimes an inclination is enough and the gaze carries.
It’s not as bad as all that.
Far from the sanctuary he said my soul disintegrates
I left it back when upon your injunction
now I command the troupe to follow me
me the one gone astray in the memory of a love
the one who blames me and incites discord
has not known exile but appointments
in foreign parts career promotions
permit one to strut down the grand avenues
of the world’s capitals to run errands at night
and return to wherever he cares not where home is
I mull over and over while looking for help
from you whose heart opened to me without
making me cross the suspended bridge with you
all that happens is to be blessed
I submit
yet I had wanted another destiny
She said: you spent your days moaning
jumping to the ceiling
you’re not the only being fate is afflicting
nor the only one stuttering in the darkness
all these people who rant their mouths full of ashes
are unbearable for me
He has a daughter by a Persian wife. She had been raised in the bosom of her mother while he was battling at the borders.
The campaign over, he decided to go visit his kin and to bring his daughter along, to give her a sniff of home.
During the trip she asked him ceaselessly if he was thirsty and he answered no. When they got to Medina, the girl fainted from thirst. She was completely dehydrated. She was given to drink and could breathe again. Perplexed, he questioned her. Why hadn’t she asked him for water during their trip? “But, father, I did so all along,” she said.
Our language is in the process of losing itself, the man told us. Its grammar is no longer familiar to our children. Other sonorities clutter their ears. Soon they’ll no longer know how to articulate.
The story made us think.
He said: one must not be afraid of distance
or of mixed origins
we will make an inventory and retranscribe everything
so as not to forget anything
the poems that circulate from trace to trace effaced
the sayings of yesteryear sharper than a blade
the sciences and the logic of the Greeks and the ancient ones
we will invent methods to teach how
to speak to those who submitted themselves
we will open the house to whoever wants to enter
and share with us
She said: the sea is a drop of water
in my desolate heart
every day I bury
the sun and the moon without shedding a tear
Shouts. Brouhaha. Neighings. Dust swirls. Crash of shields. Tremblings. The earth trembles. The sky is rent. An uncertain outcome. That’s when I heard the call to cease the fight.
Who will defend Kufa will protect Basra
the young girls of Basra and the women of Kufa
the dead by the thousands who will bury them
the wounded the mutilated how to care for them
and this bitter taste will stay with me a long time
there will be only ruins there where cities
celebrated your praises
She said: indeed I carried it around for a long time
that taste of ashes in my memory
but I did not weep
haltingly I looked for words
studied the treatises of rhetoric
I consulted the formula that helps me to describe
and free me from a weight
You can’t go on like this
from insults to remorse
to blind yourself
She said: that demands a certain ability to listen
it’s not much but it is a lot
I see well that everyone barricades himself
the words are pronounced pro forma
to serve as alibis
…
He said: what misunderstandings
I too come in peace
the banner I fly is not a spur
of hatred but a trace by which to recall
the vestment in front of you I did not invent it
let’s proceed to arbitration
They criticize me for the my mother’s criminal ignorance
the attacks led once upon a time by my father
but God doesn’t take into account actions
not committed by ourselves
I was born like you listening to a Word
it makes its way through my soul
in this community there are sensible people
they will know how to find clear words
to calm our hearts and put out discord
They said: it is a trap to disqualify you
you cannot accept
there have been too many dead
and we are in total disarray
didn’t you say you were right
you begged us to follow you to Iraq
and so we did
we are on your side but do not deceive us
for you we are already dead
we give you our lives make ramparts of them
but do not give up the succession
we will follow you into exile if needed
but don’t be drawn into their game
their quibbling will be your perdition
from the poets they know the techniques of language use
they do not keep their words
On heaven’s redans some companions
are growing impatient
what an affliction
were we not warned
that the return would be difficult
but our hearts were veiled
Lord grant them entry make them welcome
in your mercy
They said: this story does not concern us
if one has to take the side of each candidate
better to abstain
others said: this story catches us unawares
we are afraid to choose
She said: the darkness hinders me
you leave no place in your story
for me to breathe at ease
to pick up a few stones in a river’s bed
and linger at a detour to catch an
echo
Will I find the house in ruins
go interrogate him
you knit your brows without answering
occultation
he knelt before his murderers
unarmed
she observed the massacre in silence
hold back the breath
we had not gauged the extent of the disaster
the pain was not perceptible
you have nothing to worry about he said
you’ll see
they opened their eyes wide without saying a word
the martyrs loathe hagiographies
They said: the men are disgusted by our menses
they are horror-stricken by the blood they do not spill
…
She shared the foodstuffs. Each one drank a mouthful of milk and ate two dates and then rubbed her arms with a third one to avoid the bite of the sun. They all gathered on the threshold of the house to witness the start of the funeral. They rejoiced in unison. Their clamor covered the desolation of the afternoon.
Aix-Paris, August 1998-April1999
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