Tendres impôts à la France / from Affectionate Taxes to France
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Restons à la lampe et parlons peu ;
tout ce qu’on peut dire ne vaut pas l’aveu
du silence vécu ; c’est comme le creux
d’une main divine.
Elle est vide, certes, la main, cette main ;
mais une main ne s’ouvre jamais en vain,
et c’est elle qui nous combine.
Ce n’est pas la nôtre : nous precipitons
les choses lentes. C’est déjà l’action
qu’une main qui se montre. Regardons
la vie qui en elle afflue.
Celui qui bouge n’est pas le plus fort.
Il faut admirer son tacite accord
avant que la force remue.
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« L’Indifférent » (Watteau)
Ô naître ardent et triste,
mais, à la vie convoqué,
être celui qui assiste,
tendre et bien habillé,
à la multiple surprise
qui ne vous engage point,
et, bien mis, à la bien mise
sourire de très loin.
9
Il faut croire que tout est bien, si tant
de calme suit à tant d’inquiétude ;
la vie, à nous, se passe en prélude,
mais parfois le chant qui nous surprend
nous appartient, comme à son instrument.
Main inconnue… Au moins est-elle heureuse,
lorsqu’elle parvient à rendre mélodieuses
nos cordes ? — Ou l’a-t-on forcée
de mêler même aux sons de la berceuse
tous les adieux inavoués ?
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Lampe du soir, ma calme confidente,
mon coeur n’est point par toi dévoilé ;
on s’y perdrait peut-être ; mais sa pente
du côté sud est doucement éclairée.
C’est encore toi, ô lampe d’étudiant,
qui veut que le liseur de temps en temps
s’arrête étonné et se dérange
sur son bouquin, te regardant.
(Et ta simplicité supprime un Ange.)
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Parfois les amants ou ceux qui écrivent
trouvent des mots qui, bien qu’ils s’effacent,
laissent dans un cœur une place heureuse
à jamais pensive…
Car il en naît sous tout ce qui passe
d’invisibles persévérances ;
sans qu’ils creusent aucune trace
quelques-uns restent des pas de la danse.
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Let’s stay by the lamp, let words be few.
Being silent promises more
than anything we could say. It’s the hollow
in a divine hand.
The hand — that hand — is empty, it’s true,
but a hand never opens in vain,
and this one has brought us together.
It isn’t like ours: we tend to rush
the slow things. True action is taken
by the open hand. Let’s notice
the life flowing within it.
He who moves
is not the strongest.
Let’s admire tacit harmony
before power wakes again.
6 “L’INDIFFÉRENT” (Watteau)
Oh, to be born ardent and sad,
yet summoned to this life,
to be the one who attends,
delicate and well-dressed,
the many gay occasions
that don’t concern you at all,
to be the charmer who smiles
at the charmed from afar.
9
We can believe that all is well if so much
calm can follow such a storm;
life, for us, flits by like a prelude,
yet sometimes that surprising song
belongs to us, like the instrument playing it.
Invisible hand… is it happy, at least,
when it finally strikes a good chord
on our strings? — Or have we forced it
to mingle even lullabies
with all the disavowed farewells?
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Evening lamp, my quiet companion,
you’ll never unveil my heart;
maybe we’ll get lost, but the light
glimmers gently on its southern slope.
You’re the one, O student lamp,
who wants the reader to stop, lift
his eyes from the book now and then
and turn to you with surprise.
(You whose simplicity supplants an Angel.)
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Sometimes lovers or those who write
find a few words that, though fleeting,
make for some happiness in the heart and leave it
lost in thought….
for behind everything that happens
are born invisible things that persist;
not the slightest trace is left behind
but a few remain as steps in a dance.
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